صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

Nous sommes donc fondés à croire que la question des navires de commerce armés n'a pu être envisagée lorsqu'a été rédigée la déclaration de neutralité néerlandaise et que la liberté de décision du Gouvernement Royal reste pleine et entière.

Du reste, d'après les documents officiels qu'il a publiés, le Gouvernement Royal ne conteste pas la légalité de l'armement des navires tel qu'il est pratiqué. Il déclare que cette question est du domaine du Droit international, tandis que la question de l'admission des navires armés dans les ports neutres est du domaine de la neutralité et peut être résolue par chaque pays suivant ses propres intérêts.

Nous estimons que cette thèse va à l'encontre des principes du Droit international et paraît notamment contraire aux décisions mêmes de la Seconde Conférence de La Haye.

En effet, si les conditions ou restrictions d'accès imposées aux navires belligérants par une Puissance neutre sont affaire de législation intérieure sur la neutralité, c'est toutefois à la condition que ces conditions ou restrictions ne violent pas le Droit international. Or la question de savoir si un navire étranger a ou non le caractère, les droits et, comme dans le débat actuel, les obligations d'un navire de guerre, est une question d'ordre international réglée par le Droit international. Le rapport joint à la Convention VII de La Haye 1907* le fait d'ailleurs ressortir : "C'est seulement aux navires de guerre," y est-il dit, que s'appliquent certaines règles de la neutralité soit locales, comme le passage de certains détroits, soit générales, comme les limites de séjour ou d'approvisionnement dans les ports neutres." (Actes de la Seconde Conférence de La Haye, Tome I, page 240.) Et la Convention VII a stipulé comme corollaire de la Déclaration de Paris de 1856 qu'il n'y aurait plus d'autres navires de guerre que les bâtiments de la flotte militaire (ibidem, page 244) et que pour avoir le caractère de bâtiment de guerre, un Lavire doit être sous l'autorité directe, sous le contrôle immédiat et sous la responsabilité de l'Etat, le capitaine doit être au service de l'Etat, l'équipage doit être soumis à la discipline militaire.

Seuls les navires de commerce transformés en bateaux de guerre suivant les dispositions de la VIIme Convention de La Haye du 18 octobre 1907, peuvent donc être assimilés à des navires de guerre et l'assimilation des navires de commerce armés aux navires de guerre ne saurait être admise à aucun titre en Droit international. Il ne saurait en être autrement, car cette assimilation aboutirait à donner purement et simplement aux navires de commerce armés pour leur défense les mêmes droits qu'aux navires de guerre, ce qui impliquerait

* Vol. C, page 377.

le rétablissement de la course, par le fait même des Puissances neutres qui adopteraient ce point de vue, en assumant ainsi la plus lourde des responsabilités.

Aussi la Légation de France se plaît-elle à espérer que le Gouvernement Royal verra dans l'admission des navires de commerce armés pour leur défense, en même temps qu'un devoir de stricte et correcte neutralité à l'égard des belligérants, une reconnaissance des principes qui ont été le plus universellement reconnus et codifiés par le Droit des Gens. La Haye, le 15 mars, 1917.

(2.) The Netherlands Ministry for Foreign Affairs to the French Legation at The Hague.

L'institution des navires de commerce armés n'a pas surgi au cours de la présente guerre. Elle fut inaugurée quelque temps avant la guerre par le Gouvernement britannique nonobstant le fait qu'à la Deuxième Conférence de la Paix elle fût jugée exclue (voir dans les Actes, Tome III, page 1010, les observations présentées par les Capitaines de vaisseau Ottley, délégué de Grande-Bretagne, et Behr, délégué de Russie). Aussi le Gouvernement de la Reine avait-il, dès le mois de mai 1913, soumis à la commission qu'il avait nommée pour elaborer les propositions néerlandaises relatives au programme de la Troisième Conférence de la Paix, la question de savoir quel régime devrait être appliqué à de pareils navires en temps de guerre et en temps de paix.

Dans son rapport présenté le 28 mars, 1914, la commission exprimait l'avis que les navires de commerce armés d'une Puissance belligérante ne devraient être admis dans le domaine néerlandais que sur le même pied que les navires de guerre des belligérants.

Lorsque la guerre éclata le Gouvernement de la Reine défendit comme règle générale, sauf certaines exceptions, la présence dans sa juridiction de navires de guerre des belligérants et de navires y assimilés; dès le début il a, conformément à l'avis de la commission précitée, fait rentrer dans cette dernière catégorie les navires marchands des Puissances belligérantes qui seraient pourvus d'un armement et par conséquent aptes à commettre des actes de guerre.

En effet, un Etat dans la position géographique très spéciale où se trouvent les Pays-Bas vis-à-vis des pays en guerre ne pouvait assurer le respect de la neutralité du domaine où il exerce sa juridiction qu'en interdisant l'accès de ce domaine non seulement aux navires de guerre mais aussi à tout navire armé. Cette exclusion assurait, d'une part, la sécurité du pays contre toute agression masquée. Elle prévenait, d'autre part, que des voies de fait fussent

commises entre belligérants dans les eaux territoriales néerlandaises. Elle offrait enfin à chacun des belligérants la garantie la plus efficace que son adversaire ne parviendrait pas à utiliser quelque partie de ce domaine comme base d'opérations navales.

La règle édictée par le Gouvernement de la Reine découle donc logiquement des principes fondamentaux de la neutralité, notamment de celui consacré par l'article 5 de la Convention XIII de La Haye de 1907.*

Cependant, le Gouvernement français en conteste la légitimité. Son argumentation se résume comme suit: Si les conditions ou restrictions d'accès imposées aux navires belligérants par une Puissance neutre sont affaire de législation intérieure sur la neutralité, c'est toutefois à la condition que cette législation ne viole pas le Droit des Gens. Or il résulte de la Convention VII de La Haye de 1907 que les seuls navires auxquels le Droit des Gens confère le caractère de navires de guerre, sont, outre les navires de guerre proprement dits, les navires de commerce transformés en bâtiments de guerre conformément aux dispositions de la Convention précitée. Par conséquent, l'assimilation des navires de commerce armés aux navires de guerre serait contraire au Droit des Gens. Assimiler aux navires de guerre des navires qui ne réunissent pas les conditions de la Convention précitée aboutirait à donner à ces navires les droits des navires de guerre, ce qui équivaudrait au rétablissement de la course.

Le Gouvernement de la Reine doit observer tout d'abord qu'il n'a nullement fait dans les documents officiels qu'il a publiés, une distinction entre le Droit des Gens et le droit de la neutralité, comme l'assume le Gouvernement français. mais entre le droit de la guerre et celui de la neutralité, faisant partie tous les deux du Droit des Gens, mais régis par des principes différents en raison du caractère entièrement différent de la matière qui est du domaine de chacune de ces parties du Droit des Gens.

Le Gouvernement britannique, qui, déjà au commence. ment de la guerre, s'était informé du régime que le Gouverne. ment de la Reine appliquerait à l'égard de navires de commerce armés, avait fait valoir, au mois de juin 1915, tout comme le fait le Gouvernement de la République, que les bâtiments de commerce armés uniquement en vue de leur défense ne perdent pas le caractère de bâtiments de com merce, puisque d'après le Droit des Gens il est permis à un bâtiment de commerce d'un belligérant de se défendre contre une attaque de la part d'un navire de guerre ennemi. A son avis, les bâtiments de commerce armés pouvaient de

* Vol. C, page 448.

ce chef être admis par les Puissances neutres dans leurs eaux sur le même pied que d'autres bâtiments de commerce.

Le Gouvernement de la Reine répondit qu'il n'hésitait pas à admettre le bon droit des navires de commerce de s'armer. Mais il ajouta qu'à son avis il ne s'ensuit pas que les bâtiments de commerce armés des belligérants doivent être admis dans les ports, rades et eaux territoriales d'une Puissance neutre, vu que cette dernière question est du domaine du droit de la neutralité, tandis que la question de savoir si les bâtiments de commerce des belligérants ont le droit de se défendre contre les vaisseaux de guerre ennemis pour échapper à la capture ou à la destruction, appartient au domaine du droit de la guerre.

Il s'agit là d'une distinction fondamentale du Droit des Gens établi qui sortit ses effets non seulement dans les règles codifiées, mais également dans les matières qui ne sont pas encore réglées en détail par des dispositions conventionnelles.

Aussi la légitimité de l'acte d'un navire de commerce belligérant qui se défend contre un navire de guerre de la partie adverse n'entraîne-t-elle pas davantage pour les Etats neutres le devoir d'admettre dans leurs domaines les navires de commerce armés pour la défense, que la légitimité des actes de guerre commis entre navires de guerre belligérants n'entraîne pour ces Etats l'obligation d'admettre dans leurs domaines ces navires de guerre.

Le Gouvernement de la Reine partage entièrement la manière de voir du Gouvernement de la République qu'il n'est pas loisible à un État de conférer le caractère de navire de guerre à un navire qui n'a pas ce caractère d'après les dispositions du Droit des Gens. Aussi ne confère-t-il pas ce caractère aux navires de commerce armés. Il se borne à les

assimiler" à des navires de guerre pour ce qui concerne leur admission dans ses eaux. Le Gouvernement français voudra bien reconnaitre qu'on n'a qu'à poser la question de savoir si une déclaration de neutralité attribue aux navires qu'elle désigne par l'expression "navires assimilés aux navires de guerre le caractère de navires de guerre d'après le Droit des Gens, pour la résoudre dans la négative. Car toute interprétation dans le sens contraire pêcherait par la base en ce qu'elle attribuerait à pareille déclaration une portée au delà de sa sphère d'application naturelle.

Ce que la Déclaration néerlandaise de neutralité statue c'est que certaines catégories de navires qui ne sont pas des navires de guerre d'après le Droit des Gens, mais dont néanmoins la présence dans le domaine où les Pays-Bas exercent leur juridiction serait de nature à compromettre la sécurité et la neutralité de ce domaine, y seront soumis au même régime que les navires de guerre, notamment que leur pré

sence n'y sera pas tolérée. Elle ne leur confère aucun autre droit que celui d'être admis dans ce domaine dans les cas où les navires de guerre y sont également admis.

Si la course était rétablie, ce ne serait donc certainement pas par le fait des Puissances qui refusent de recevoir dans leur domaine des navires ne réunissant pas les conditions auxquelles doivent satisfaire les navires de guerre mais néanmoins pourvus d'un armement qui les met en état de commettre des actes de guerre.

Aucune règle du Droit des Gens ne dénie aux Etats neutres la faculté d'édicter à l'égard de navires belligérants autres que des navires de guerre les règles nécessaires pour assurer le respect du domaine où ils exercent leur juridiction, notamment de les soumettre au même régime que les navires de guerre.

La Convention VII de La Haye règle la condition juridique des croiseurs auxiliaires dûment incorporés dans les marines de guerre des belligérants. En vertu de ladite Convention, ces navires ne sont pas simplement assimilés aux bâtiments de guerre, mais du fait de leur transformation ils deviennent effectivement bâtiments de guerre et ne peuvent être traités comme des corsaires. Par contre, la Convention ne traite pas de la condition juridique de navires qui ne peuvent pas prétendre à la qualité de navires de guerre mais qui sont néanmoins adaptés à des usages de guerre.

Le passage du rapport de M. Fromageot où il est dit que c'est seulement aux navires de guerre que s'appliquent certaines règles de la neutralité, soit locales, comme le passage de certains détroits, soit générales, comme les limites de séjour ou d'approvisionnement dans les ports neutres, ne pourrait par conséquent être interprété dans ce sens que les Etats restés en dehors de la guerre n'auraient pas de devoirs de neutralité au regard de navires qui ne réunissent pas les conditions requises pour pouvoir prétendre à la qualité de navires de guerre. En y donnant cette interprétation on ne tiendrait aucun compte de l'article 5 de la Convention VII, qui interdit aux belligérants de faire des ports et des eaux neutres la base d'opérations navales contre leurs adversaires.

Il résulte de ce qui précède que la Convention VII n'influence aucunement les droits et les devoirs des Puissances neutres au regard des navires belligérants qui sans pouvoir être réputés navires de guerre sont adaptés à des usages de guerre. Ces navires restent soumis à la Convention XIII et aux principes généraux de la neutralité.

Le Gouvernement de la Reine se rend parfaitement compte de la situation périlleuse où se trouvent les navires de commerce français lorsque n'étant pas escortés par des navires de guerre, ils sont tout comme ceux des neutres

« السابقةمتابعة »